Ou ce trouve le léopard
Dossier : La vie villageoise dans le Kwango-Kwilu vers 1955 (2ème partie)
Henri Nicolaï
La préparation de la poudre de tukula (par râpage et
écrasement sur une dalle
de grès) est donc une scène villageoise
fréquente. Ici deux exemples, l’un dans
un village mbala, Kikongo Koyi (photo
67), l’autre dans un village pende, Luandu
(photo 68). Les femmes photographiées
ont un pagne de raphia. Coiffure typique
de la jeune femme pende qui porte en
permanence ses bijoux, collier de perles
de verre à plusieurs rangs et bracelets
de cuivre ou de laiton.
photo 67
photo 68
Ces deux notables du village mbala de
Kikongo Koy portent des pagnes de
raphia. L’un a jeté sur l’épaule un châle
noué au cou, l’autre porte, au-dessus de
son pagne, la peau d’un animal de la
forêt (civette ?). Tous deux ont une
coiffure de petites tresses. Une grosse
tresse longitudinale avance au
dessus du front du personnage de gauche.
Au bord de la grande rivière, ici le Kasai, à Pinanga
(T. de Bagata), où l’autre rive est à peine visible dans le
lointain, lent glissement de la pirogue familiale,moyen
de transport traditionnel entre les villages riverains.
Au bord de la Mfimi (Esaka), corvée de la lessive avec
PARTICIPATION du nourrisson
Cette femme suku se rendant à la source, près de Pay
Kongila (T. de Masi Manimba) a garni de clous de
tapisserie sa grosse tresse centrale prolongée vers
l’avant. Colliers et perles à nombreux rangs, bracelets
aux poignets, pagne de raphia.
La berge : un lieu où l’on vient faire la
vaisselle ou, comme ici, la lessive. Près
de l’embarcadère d’un bac sur le Kwilu à
une trentaine de kilomètres au sud de Kikwit.
Les femmes ont, en plus des hommes, au sommet du crâne, un petit cône de terre et d’huile peint le plus souvent en rouge (poudre de tukula), le mukote ouguhota sanga, comme on le voit chez cette jeune Pende (T. d’Idiofa). Ce guhota sanga a été la coiffure préférée des Pende du Centre. L’est-elle encore aujourd’hui ? Il est curieux en effet et peut-être significatif que, pour en montrer des exemples, dans sa thèse publiée en 1998 (ouvrage cité), Z. Strother a eu recours à des photos anciennes : l’une prise lors de l’expédition Torday (1909), une autre extraite de “La mission de Mwilambongo, 1933” et, dans son livre de 2008 (Pende, 5 Continents Éditions, Milan, p. 40) à une photo de C. Lamote “vers 1950” On remarquera que le gutoha sanga (ou bien la longue tresse dont on verra des exemple plus loin) est présent sur les masques de personnages féminins.
Les garçons se pressent au débarcadère du bac
pour vendre quelques marchandises aux voyageurs de passage.
Ici au confluent du Kwilu et de l’Inzia (Bagata)
C’est chez les Pende et les Mbunda que,
vers 1955, les coiffures traditionnelles
étaient le plus fréquentes. La forme
générale est à l’écuelle avec les cheveux
tressés en petits boudins souvent enduits
d’huile (de palme) comme chez cet homme
de Nioka Kakese (Pende du Centre, T. de
Gungu).
paysanne suku préparant un champ
d’arachides.
Les femmes y sont nombreuses pour le même motif mais aussi parce qu’elles sont sur la route de la ville ou du marché. Sur le Kwilu, en face de Bulungu, un groupe se prépare à embarquer. Les femmes ont replacé leur panier sur la tête tandis que l’une se repose encore, assise sur un baril d’essence abandonné.
Près de Nioka Kakese, jeune chef Pende.
Une grosse tresse garnie de clous.
Variantes de la coiffure pende. Le cône
rouge a fait place à une longue et large
tresse pendant en arrière et à l’extrémité
recourbée
Variantes de la coiffure pende. Le cône
rouge a fait place à une longue et large
tresse pendant en arrière et à l’extrémité
recourbée
Variantes de la coiffure pende. Le cône
rouge a fait place à une longue et large
tresse pendant en arrière et à l’extrémité
recourbée.
Cette danseuse a orné le petit cône de sa
coiffure de clous de tapisserie. Grand
collier à nombreux rangs. Bracelets aux
poignets. Ceinture garnie de cauris. Pagne
de raphia. (village Kafundu).
La préparation de la coiffure est une
longue opération. Village de Nioka
Munene.
Villageoises pende (partie nord-est du
T. de Gungu). Avec souvent la fière allure
des mères à la joie de porter leur enfant
jeunes mères à la coiffure traditionnelle.
Cette danseuse a orné le petit cône de sa
coiffure de clous de tapisserie. Grand
collier à nombreux rangs. Bracelets aux
poignets. Ceinture garnie de cauris.
Pagne de raphia. (village Kafundu).
Les hommes pouvaient porter naguère eux
aussi aussi des coiffures à grosses
tresses mais sans le petit cône des
femmes. Ici la tresse centrale garnie de
clous se prolonge au dessus du front.
Il a été rapporté que l’administration coloniale
et les missionnaires refusaient d’engager des
travailleurs portant ce type de coiffure sous le
prétexte que leur entretien réclamait trop de
temps (ou que les porteurs de ces coiffures
leur paraissaient quelque peu subversifs ?).
Danses
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La danse (collective) est une manifestation
essentielle de la vie villageoise. Danses et
chants sont fréquents à la tombée du jour,
accompagnés parfois de mascarades c’est-à-
dire de prestations de personnages masqués.
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Certains groupes sont réputés pour le temps qu’
ils leur consacrent. L’attitude des autorités
coloniales envers ces danses collectives et ces
mascarades a été ambiguë. Elles les
reconnaissaient comme des marques originales
du patrimoine culturel mais elles les
considéraient aussi avec méfiance. Dans le cas
des Pende, elles n’étaient pas loin d’y voir aussi
une forme d’addiction. Elles estimaient même
que leur fréquence risquait de diminuer le
temps consacré au travail (cultures imposées ou
fourniture de fruits aux sociétés huilières). Elles
soupçonnaient surtout danses et mascarades d’
être l’expression d’un sentiment identitaire,
donc potentiellement subversif. En 1947, un
administrateur colonial a préconisé la déposition
d’un chef dont les gens lui paraissaient faire
trop de mascarades (Z Strother, 1998, p. 262)
.
De nombreux événements de la vie villageoise sont l’occasion de sortir les instruments de musique et de danser. Ici dans un village yansi (T. de Bagata), des trompes de tailles diverses et un grand tambour
Au rythme de l’orchestre, les femmes yansi dansent en
agitant des calebasses contenant des graines ou des
pierres.
Dans les villages des Pende du centre,
homme et femmes dansent séparément
en larges rondes sinueuses. Ici, à la
nuit tombante, sur la vaste place réservée
aux danses dans le village de Mukoso.
Les hommes de Mukoso, à l’écart des
femmes, dansent avec animation.
Le groupe du chef à Kinfundu.
Les danses sont rythmées par un orchestre qui comporte au moins trois tambours de types différents (village Kinfundu). Le joueur de tambour de droite a des grelots aux poignets.
L’orchestre comporte parfois des
xylophonistes.
Les danses sont l’occasion privilégiée de la sortie de personnages masqués. Certains cependant se montrent plus fréquemment. C’est, par exemple, le cas dumingandji, sorte de Père Fouettard qui fait la police, particulièrement celle des enfants, vêtu d’un costume de raphia à grosses mailles couvrant entièrement le corps, avec une tête aux yeux télescopiques, cette tête ayant parfois la forme d’un grand disque porté verticalement. Avec sa longue baguette, le mingandjipoursuit les contrevenants, par exemple ceux qui ne peuvent pas assister aux danses en raison de leur âge ou d’interdictions rituelles. A Nioka Kakese.
Certains danseurs masqués ont des
costumes complexes garnis de grelots. Ils
représentent un personnage spécifique
(l’ensorcelé ou la coquette, par exemple)
dont ils miment l’histoire, accompagnés
par un orchestre et un chœur. Ici c’est un
masque tshok qui est en visite dans le village.
Depuis l’époque coloniale, les autorités
parrainent des rassemblements de
personnages masqués notamment lors
d’un festival annuel à Gungu.
Village de Mukoso. Danse mungonge
(accompagnant les cérémonies de
circoncision ou d’accession des jeunes
gens à la mukanda, association des
hommes) endébut de nuit. Un long serpent
d’hommes quasi nus à la peau zébrée de lignes
blanches et portant sur la tête une
armature de bois peinte en blanc, rampe
d’abord dans la savane en bordure du
village en émettant un bruissement
terrifiant puis débouche sur la place des
danses. Commence alors une
chorégraphie d’apparence assez violente
. Cette manifestation en principe ne peut
être vue par les femmes. Une danse de ce
type a été filmée dans Bolongo, un long
métrage d’André Cauvin (1953).
Les danseurs terrifient (ou en font le
simulacre) un garçon candidat à la
circoncision (ou à l’entrée dans
l’association des hommes).
Transformation des produits agricoles et préparation des repas
La tâche de la villageoise ne s’arrête pas aux travaux des champs. Elle couvre tous les travaux qui suivent et notamment
la préparation des produits récoltés en vue de leur entreposage et leur transformation pour la consommation. Elle comporte en outre le ramassage du bois de cuisine et de petits produits de
cueillette ainsi que la corvée d’eau.
Il n’y a pas de techniques de conservation du manioc. Ses racines peuvent être récoltées tout au cours de l’année au fur et à mesure des besoins. Elles sont rouies en bordure des rivières ou dans des pièces d’eau pour en éliminer les principes toxiques, et sont ensuite
nettoyées, décortiquées puis mises à sécher. Ici nettoyage et décorticage du manioc roui, près de Kilembe, pays pende, T. de Gungu ( photo Henri Nicolaï, 1955/47).
Même scène en pays mbunda. Le manioc a été roui dans les trous aménagés au bord d’une rivière du haut plateau ( T. d’Idiofa ).
Les morceaux de manioc seront mis à sécher au village soit sur les toits soit sur des plates-formes installées à la limite de l’espace bâti ( photo Henri Nicolaï, 1955/28 ).
Le manioc est broyé dans de grands mortiers ( village pende Kipola,T. de Gungu ) ( photo Henri Nicolaï, 1957/13 ).
La farine de manioc est tamisée en passant entre les lamelles longitudinales qui forment le corps cylindrique d’un panier de vannerie agité par des rotations vives et alternées. L’opération est faite ici par une fillette dans un village du nord du Territoire de Kikwit ( Bushie ). Un peu en arrière, un mortier et plus loin la
plate-forme d’un séchoir. A droite, une poule picore un peu de la farine projetée sur le sol ( photo Henri Nicolaï, 1957/16 ).
Si, dans la plus grande partie du Kwango-Kwilu, le manioc est consommé sous la forme d’une bouillie ou d’une pâte cuite très molle, dans les régions riveraines du Kasai, il peut être préparé sous la forme de pains cuits au bain marie, les chikwangues que l’on peut conserver quelque temps dans un emballage de feuilles.
Cette femme yansi (T. de Bagata) prépare la pâte. Cette recette a sans doute été introduite à partir du Bas-Congo ( photo Henri Nicolaï, 1955/72 ).
Les épis de millet détachés au couteau de leur tige, sur le champ même, sont souvent battus sur place. Ici en pays mbunda ( sud-ouest du Territoire d’Idiofa).
On procédera ensuite à un vannage sommaire ( photo Henri Nicolaï, 1955/54 ).
Pour une consommation immédiate, les grains de millet sont ensuite écrasés au village avec un lourd et long pilon dans un gros mortier. Ici par des paysannes mbunda en Territoire d’Idiofa. La plus grande partie de la récolte est conservée en épis ou en grains dans des greniers ( voir photos plus haut ) ( photo Henri
Nicolaï, 1955/31 ).
Cuisson de chikwangues ( photo Henri Nicolaï, 1958/05 ).
Bris de noix de palme pour en extraire les amandes qui produiront l’huile palmiste. Ici, dans un village du Bas-Congo, Bota ( T. de Luozi ) ( photo Henri Nicolaï, 1958/6 ).
Même scène dans le village mbala de Kikongo Koy ( photo Henri Nicolaï,1957/06 )
Dans le calme d’une fin de journée, la préparation du repas. Village yansi de Pana Panga ( T. de Bagata ) ( photo Henri Nicolaï, 1955/111 )
Même scène dans le village mbala de Bushie ( T. de Kikwit ) ( photo Henri Nicolaï, 1957/36 ).
Autre scène de fin de journée avec les enfants autour de leur mère. Village mbala de Kikongo Koy. La femme en arrière broie du bois rouge pour obtenir le fard tukula ( photo Henri Nicolaï, 1957/24 ).
A Kipola, village pende, près du lac Matshi, le père s’est joint au groupe des femmes ( photo Henri Nicolaï, 1957/12 ).
Décors villageois
Au coeur de la forêt ou dans la savane coiffant une colline, le village éparpille ou aligne ses maisons
en empruntant au paysage ses matériaux végétaux.
Le village des années 1950 est généralement plus grand ( souvent plus de deux fois ) qu’un demi siècle
plus tôt. Il a souvent aussi changé d’emplacement. Le village de jadis se déplaçait quand les maisons étaient devenues trop vétustes ou que l’itinérance des champs l’avait trop éloigné de la partie cultivée de son terroir. Mais les autorités coloniales ont imposé des changements importants.
Elles ont d’abord regroupé les petits villages disséminés dans la forêt pour faciliter le contrôle administratif
( perception des impôts et recensement de la population, deux opérations étroitement liées ), le contrôle sanitaire et le contrôle sécuritaire. Elles avaient aussi le souci d’éloigner les habitants des parties forestières proches des rivières où sévissaient les vecteurs de la maladie du sommeil et d’autre part, en les installant sur les plateaux savanisés, de les rendre plus accessibles car c’est là que les routes étaient aménagées avec le moins de difficultés.
Le village du Kwango-Kwilu relève d’une civilisation du végétal. Des armatures de branches, de rondins,
de rameaux attachés les uns aux autres par des liens fibreux sont couvertes par des paillassons de feuilles cousues ( comme dans les villages mbala ) ou par de la paille ( comme dans les villages pende et mbunda ). De larges feuilles ou de la paille coiffent les pans du toit. De plus en plus cependant, surtout dans la partie nord du territoire pris ici en compte, l’armature est enduite
d’un crépi de boue, selon un modèle prédominant dans les régions côtières de l’Atlantique et dans les quartiers des villes.
Le plan est le plus souvent rectangulaire. Il est quasi carré quand le toit est en coupole. Pas de cheminée,
pas de fenêtre sinon l’échancrure qui constitue l’entrée souvent fermée par un panneau coulissant. Cette porte est surélevée si fortement parfois qu’il faut grimper sur une petite plateforme pour y accéder.
Kipola ( Territoire de Gungu ) est un gros village pende ( plus de 800 habitants ) au coeur de la palmeraie des environs du lac Matshi ( affluent de la Loange ). Maisons au toit en coupole du quartier occupé par le clan Akwagisogo ( photo Henri Nicolaï, 1957/46 )
.
Dans le même village pende de Kipola, la case du chef Meya ( photo Henri Nicolaï, 1957/14 ).
Maison mbala d’un type très voisin de la maison sonde. Village de Kikongo Koy (T. de Kikwit). Devant la porte-fenêtre avec son panneau coulissant, une villageoise prépare des feuilles de manioc pour le repas du soir.
Les greniers mbunda sont particulièrement soignés.
Les feuilles des parois dessinentdes motifs
géométriques. village Kanga (T. d’Idiofa)
Dans le village pende de Kipola (T. de Gungu), les
arachides sont conservées dans des cylindres de
feuilles et de paille posés sur une petite étagère.
Des bâtiments annexes peuvent abriter le petit bétail ou la volaille pour la nuit et parfois les récoltes. On ne conserve pas le manioc. Les épis de maïs sont souvent gardés sur une étagère à l’intérieur de la maison. Seuls le millet et les arachides sont conservés dans des greniers. Le millet est l’égal d’un chef, puisqu’il a son gisendu (voir plus haut)), disent les Pende qui, dans le Kwango-Kwilu sont les seuls cultivateurs de cette céréale avec les Mbunda. Leurs greniers de millet en forme de cylindres posés chacun sur une plate-forme sont un élément caractéristique de leurs villages. En voici un, à Kimbandji (T. de Gungu) coiffé d’un chapeau conique de paille qu’on soulève pour prélever le grain.
Caractère arachnéen de l’armature d’une maison pende en construction : poteaux des parois reliés par des nervures horizontales, longues tiges flexibles du toit en coupole. Impression de bricolage. Village Kipola (T. de Gungu).
Légèreté de l’armature d’un toit en coupole.
Village pende de Kimbanzi.
La construction d’une maison est une tâche collective qui rassemble plusieurs hommes du clan ou du village. Ils achèvent ici de couvrir le toit de feuilles ndala(folioles d’un palmier de la forêt). Village Pumbi, en bordure du Kasai, nord du Territoire d’Idiofa.
Effet décoratif du tressage des feuilles, en particulier pour le tympan du pignon. Village mbunda de Bitshambele (T. d’Idiofa).
Les maisons n’ont qu’une courte durée de vie. Aspect bien modeste que celui de cette maison élémentaire occupée par une jeune mère sonde (est du Territoire de Feshi). Murs de panneaux végétaux. L’entrée se ferme par un panneau coulissant
Elémentaire encore mais de facture soignée, avec une petite cour antérieure, cette étroite maison d’un jeune homme non encore marié, dans un village mbunda Kanga,
Cette maison mbunda (Ifwazondo, T.d’Idiofa), aux parois renforcées par un treillis de lattes, a un toit de paille qui ressemble à la coupole de la maison pende. Un arceau du toit se prolonge en auvent au-dessus de la porte-fenêtre. Une photo d’une maison très semblable, du milieu de la première décennie du XIXe siècle, figure dans un
Certaines maisons expriment le rang de leur habitant. Ainsi l’habitation d’un chef mbala, c’est-à-dire sa maison, celles de ses femmes ainsi que diverses annexes, sont dans une cour entourée d’une haie d’Euphorbes cactiformes (village de Kimwakama). Dans l’enclos aussi, quelques arbres fruitiers.
L’administration coloniale a encouragé, dans les villages, le placement d’une clôture (morte ou vive) autour de l’ensemble des bâtiments d’une famille, comme cela se faisait autour des parcelles des quartiers urbains. Le nombre des enclos (lupangu) a donc augmenté.
L’administration coloniale a encouragé, dans les villages, le placement d’une clôture (morte ou vive) autour de l’ensemble des bâtiments d’une famille, comme cela se faisait autour des parcelles des quartiers urbains. Le nombre des enclos (lupangu) a donc augmenté.
Les arachides peuvent être conservées aussi dans des paniers accrochés aux branches d’un arbre proche de la maison. Village de Beko (T. de Masi Manimba).
Les maisons du village mbala de Lumbi (T. de Kikwit), donnent sur une large allée centrale par leur pignon ou par leur côté le plus long. Elles ont parfois une galerie couverte par un débordement du toit de paille. Les différents bâtiments ont des rôles divers. Le plus grand est l’habitation du noyau familial proprement dit. De façon générale, cependant, dans les villages du Kwilu-Kwango, les épouses de polygames ont chacune leur habitation, qui est en même temps leur cuisine.
Lumbi, entouré de quelques arbres domestiques, est sur un replat savanisé, près d’une grand-route.
Si la maison du chef mbala n’a pas d’architecture particulière, celle du chef pende, par contre, le gisendu, au cœur de l’enclos familial, est souvent précédée d’une sorte de vestibule. Le sommet de la coupole est orné d’une statue.
Ici, dans le village de Mukendi, la pièce faîtière comporte deux statues adossées. Cette maison a un riche contenu symbolique. Elle renferme tous les objets exprimant les pouvoirs et la légitimité du chef. Elle est détruite totalement à la mort de celui-ci en même temps que disparaissent tous ses pouvoirs. La persistance de ce type de maison, pendant la période coloniale, a été une des formes de l’affirmation de l’identité pende. Elle l’est restée vis-à-vis des autorités postcoloniales (voir ce qu’en disent L. de Sousberghe4, 1954 et Z. Strother5, 2004).
Cette maison mbunda (Ifwazondo, T.d’Idiofa), aux parois renforcées par un treillis de lattes, a un toit de paille qui ressemble à la coupole de la maison pende. Un arceau du toit se prolonge en auvent au-dessus de la porte-fenêtre. Une photo d’une maison très semblable, du milieu de la première décennie du XIXe siècle, figure dans un ouvrage de Torday et Joyce3 de 1922 (pl. XV).
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A titre de comparaison, on signalera que les tombes des chefs Kongo sont parfois des monuments importants, au bord d’une route. Ici la tombe du chef Meso, près de Kinkenge (T. de Luozi, Bas-Congo). Le chef est représenté assis sur un trône aux formes d’un grand fauteuil club. A ceux qui souriraient de ce type de représentation, nous signalerons que le monument élevé à la mémoire du roi Baudouin, à Ciergnon, place le roi lui aussi dans un grand fauteuil, avec son chien préféré à ses pieds.
Des bosquets se développent autour de la tombe des chefs importants, comme ici le chef
mbala Kikongo Koyi (T. de Kikwit). Le lieu est
devenu sacré.
Il n’y a pas d’édifice pour les morts. La tombe est à l’écart du village. Ici la tombe d’une jeune fille avec quelques-uns de ses biens comme son tamis à manioc (village pende de Kipola).
C’est par portage, dans de grands paniers de vannerie posés sur la tête que la récolte est rapportée au village ou transportée au marché (pays pende, T. de Gungu, près de la Lufuku).
Dans le nord du Kwilu, en bordure du Kasai, les femmes yansi utilisent des hottes. Ici pour le transport d’une récolte de patates douces.
Des porteuses mbunda rapportent les longs épis du mil à chandelles (T. d’Idiofa).
Il en est de même pour cette jeune femme pende qui
vient de traverser en pirogue le lac Matshi,
Les femmes rapportent aussi les produits de la cueillette.
Au retour de la palmeraie, ces villageoises des environs de Bushie (nord du Territoire de Kikwit) portent, les deux premières, posés sur la tête protégée par un petit coussin, un régime de fruits de palme et une calebasse de vin de palme (deux produits qui ont été cueillis certainement par les hommes), la troisième, dans un grand panier rectangulaire, un autre régime et du bois pour la cuisine.
Une paysanne mbala rapporte à Kikongo Koy (T. de Kikwit) des épis de maïs.
Dans le Kwango-Kwilu, l’essentiel des tâches agricoles repose sur les villageoises. Tout ce qui concerne la terre et, de façon générale, la fécondité, est l’affaire des femmes. Les hommes n’interviennent que pour abattre et brûler les arbres quand le champ est en forêt. C’est dire la lourdeur des tâches féminines puisqu’à l’agriculture s’ajoutent toutes les tâches ménagères et domestiques.
La paysanne prend son nourrisson avec elle pour travailler sur son champ. Ici dans le Bas-Congo (T. de Luozi). On comparera avec les gravures de la fin du XVIIe siècle reprises dans l’ouvrage de W.G.L. Randles, L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle (Paris, Mouton, 1968). Permanence !.
La paysanne prend son nourrisson avec elle pour travailler sur son champ. Ici dans le Bas-Congo (T. de Luozi). On comparera avec les gravures de la fin du XVIIe siècle reprises dans l’ouvrage de W.G.L. Randles, L’ancien royaume du Congo des origines à la fin du XIXe siècle (Paris, Mouton, 1968). Permanence !.
Le manche court de la houe oblige la paysanne à
courber fortement le dos. Villageoise mbunda au sud d’Idiofa plantant des boutures de manioc dans un champ en savane.
Une villageoise pende sème du maïs dans un brûlis près du lac Matshi. Aucune préparation préalable de la terre. Dans la parcelle encombrée de débris encore fumants, elle ouvre à la houe un trou où elle va déposer une graine détachée de l’épi de maïs qu’elle tient à l’autre main. Remarquer la coiffure traditionnelle et les grands bracelets aux poignets.
Les activités
C’est dans un bassin latéral d’une rivière du haut
plateau que ces paysannes mbunda puisent les
poissons (village Bitshambele, T. d’Idiofa).
Ce sont les hommes par contre qui pêchent en pirogue, au filet ou à la ligne dans les grandes rivières ou qui chassent le gros gibier (en battue, à l’affût ou au piège). Retour de chasseurs mbala à Kikongo Koy avec leur prise, un phacochère
Des garçons actionnent habituellement les soufflets. Forge dans le village lele de Kabombo Bweto (nord-est du Territoire d’Idiofa)..
La fabrication des poteries est une activité féminine. Village mbunda d’Ingungu, T. d’Idiofa. Un tesson sert de tour rudimentaire. Jarres prêtes pour la cuisson.
La forge est le domaine exclusif d’hommes pourvus souvent de pouvoirs particuliers, en même temps guérisseurs, par exemple. Certains groupes, comme les Hungana (T. de Masi Manimba) sont réputés pour la qualité de leurs produits. Outillage de la forge : l’enclume, le marteau, les soufflets actionnés à la main.
La vannerie comme le tissage du raphia est l’affaire des hommes. Village pende de Kimbandji (T. de Gungu). Préparation des brins d’osier.La vannerie comme le tissage du raphia est l’affaire des hommes. Village pende de Kimbandji (T. de Gungu). Préparation des brins d’osier.
Les femmes participent aussi à des activités de pêche. Elles ramassent, dans une nasse, de petits poissons en bordure des rivières, parfois dans des cuvettes, aménagées ou non, où l’eau stagne avant de se retirer. Jeune pêcheuse pende dans l’émissaire du lac Matshi. Elle dépose les poissons dans la petite calebasse qu’elle s’est accrochée au front.
La production d’huile de palme pour le marché international ne commence pratiquement pas au Congo avant la deuxième décennie du xxème siècle. Le Congo n’avait pas connu l’expansion du commerce de l’huile de palme qui s’était produite en Afrique occidentale, plus particulièrement au Nigeria et au Dahomey (actuel Bénin),à partir de la première moitié du siècle précédent. L’existence du palmier à huile avait été signalée en Afrique dès le milieu du XVème siècle L’arbre en effet fait partie de la panoplie des plantes alimentaires des habitants de la région guinéenne et de l’Afrique centrale. Ceux-ci, par cuisson, puis compression ou malaxage, extraient l’huile contenue dans le péricarde des fruits, l’emploien tà la confection des sauces qui accompagnent leurs bouillies ou en font un usage cosmétique.
Les hommes grimpent au palmier pour cueillir les fruits de palme destinés à la consommation familiale et surtout à la vente aux compagnies huilières. Jeunes hommes pende venus travailler, dans le cercle H.C.B de Lusanga-Leverville (T. de Kikwit) à plus de 150 km de leur village. Leurs outils : la ceinture qu’ils noueront autour du tronc, la machette pour dégager et détacher les régimes, le panier pour les transporter, accroché à une perche posée sur l’épaule.
La montée au palmier est une véritable escalade surtout dans les forêts secondaires qui, après les cultures, ont repris le sol aux champs et où les troncs des Elaeis filent vers la lumière.
Les amandes palmistes provenaient jadis majoritairement des fruits consommés dans le village et alimentaient un important commerce de traite. Dans un village mbala (district du Kwilu), cette femme brise avec une pierre les noyaux qui les contiennent.
Site classique d’une huilerie. Ici à Kimbilangundu, au bord du Kwenge, affluent du Kwilu. L’usine utilise comme combustible les rachis des régimes et les divers résidus de l’extraction. D’où les épaisses volutes de fumées grasses qui la signalent de loin. Cette usine appartient à une compagnie de taille moyenne qui a d’autres implantations dans la région ainsi que dans d’autres parties du Congo (notamment dans le Bas-Congo).
Des régimes de fruits viennent d’être pesés, au bord de la piste, avant leur chargement sur le camion de l’huilerie.
Les sociétés huilières ont équipé leurs zones de pistes carrossables, de ponts et de bacs. Ce bac sur le Kwilu permet d’atteindre l’usine HCB qui se trouve sur l’autre rive. Ces infrastructures sont généralement mises à la disposition du public.
Comme dans ces réseaux se sont inscrites aussi des structures de santé et des structures scolaires, les populations vivant dans ces espaces ont bénéficié de services, de facilités d’accès à l’école et de possibilités d’emploi qui ont exercé leur attraction sur les habitants des territoires environnants. D’où une plus forte croissance démographique. Or le Kwilu avait déjà au départ une population plus dense que les espaces voisins. L’écart s’est accentué. La structure administrative coloniale a été un moment marquée par cette évolution puisque le district du Kwilu, principalement huilier, a été séparé de celui du Kwango dont il faisait partie, ce dernier étant réduit aux hauts plateaux steppiques qui l’encadrent à l’ouest et au sud. Le Kwilu disposait avec la petite ville de Kikwit d’un centre administratif et portuaire qui a fonctionné comme pôle régional. Au milieu des années 1950, on pouvait envisager ainsi le Kwilu comme une région en voie de formation, dont la cohésion économique était assurée principalement par la production huilière (Nicolaï, 1964 et 1996).
Mais cette vision ne tenait peut-être pas suffisamment compte de l’absence d’intégration du système réticulaire des sociétés huilières. C’était une juxtaposition d’espaces faiblement polarisés à l’exception, mais en partie seulement, du cercle H.C.B. de Leverville qui était englobé dans l’espace administratif régional de Kikwit, proche d’une cinquantaine de kilomètres. Dans les espaces huiliers, les relations ne portaient que sur de faibles distances, celles permettant de drainer la production d’une palmeraie vers l’huilerie puis, lorsque celle-ci n’avait pas été installée sur une voie navigable, vers le port d’embarquement. Ces réseaux locaux de routes et de bacs étaient à la disposition des autorités publiques mais ils ne s’inséraient pas dans le réseau régional et national assurant d’une part la liaison entre les centres administratifs et d’autre part la circulation de transit. Si, dans quelques cas, ces systèmes ont pu pallier partiellement la dégradation du réseau public après 1960, ils se sont en grande partie effondrés avec la ruine des huileries (dans les années 80) et, dans le cas du Kwilu, avec la mise en fonctionnement d’une grande route macadamisée le reliant directement à Kinshasa et l’englobant dans le bassin de ravitaillement vivrier de la capitale, court-circuitant en même temps un système de transport fluvial dégradé.
La face noire du système huilier
Cette présentation d’une évolution positive des régions huilières pendant la période coloniale, a laissé de côté cependant une large part de la réalité. L’écroulement de la production au cours du dernier demi-siècle est en effet, au final, la marque d’un échec. Et pourtant c’est au moment où l’économie huilière a été débarrassée des abus qui l’avaient entachée, qu’elle a commencé à décliner. La production était soutenue en effet, tout comme d’autres productions de l’époque coloniale, par un encadrement rigoureux, autrement dit par un système de contraintes.
Un système de contraintes générateur d’abus
· Le terme utilisé est « étude » et non « enquête ».
· On trouvera une brève analyse de l’interpellation de Vandervelde dans H. Nicolaï, 1963, p. 323.
Celui-ci se manifestait tout particulièrement dans le recrutement des ouvriers de plantations et surtout dans celui des coupeurs appelés à venir travailler dans les palmeraies naturelles des zones d’huileries, là où la population locale ne suffisait pas. Cela concernait par exemple les coupeurs pende du Territoire de Gungu, appelés pour l’exploitation des palmeraies naturelles de la moitié sud du cercle de Leverville, à 150 km de leurs villages d’origine. Les agents recruteurs de la société, parfois accompagnés et soutenus par des agents de l’Etat, obtenaient, auprès des chefs locaux, les hommes dont ils avaient besoin, en promettant des primes ou en agitant la menace de sanctions. Les chefs usaient de procédés semblables envers les jeunes gens qu’ils désignaient. La contrainte portait aussi sur les quantités de fruits que les coupeurs devaient livrer. On exigeait par exemple la même quantité tous les mois sans tenir compte de la variation saisonnière de la production des Elaeis (Ryckmans, cité par Vanderlinden, 2007, p. 152). Les conditions d’acheminement des ouvriers recrutés vers les centres d’exploitation étaient parfois déplorables ainsi que les logements précaires qui leur étaient fournis. Les contrats étaient renouvelés à leur terme de façon tacite sans que l’accord de l’ouvrier lui fût vraiment demandé. Les abus étaient manifestes. Les autorités publiques en étaient conscientes. En 1930, elles avaient même chargé une mission dont fit partie Pierre Ryckmans, qui devint par la suite gouverneur général, de mener une étude sur les problèmes du travail dans la province du Kwango-Kasai (Vanderlinden, 2007, pp. xi-xii). Les lettres, que celui-ci envoya à sa femme, d’octobre 1930 à mars 1931, décrivent quelques cas d’abus et de non-respect de la législation qu’il avait pu constater en se rendant sur le territoire de son enquête. Elles ont un ton beaucoup moins édulcoré que celui de son rapport officiel (Vanderlinden, 2007, p. 1). Faut-il parler de « travail forcé pour l’huile de palme de Lord Leverhulme », comme le fait le titre d’un livre d’un ancien administrateur territorial, devenu diplomate, qui s’est spécialisé dans l’étude des abus commis dans le Congo jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale ? (Marchal, 1991). Si l’expression peut paraître exagérée, elle n’est pas cependant très éloignée de ce que déclarait Emile Vandervelde dans son interpellation au Ministre des Colonies en juin 1932 :« Il existe dans certaines régions du Kwango, un système d’organisation du travail que certains appellent l’esclavage déguisé et que je me bornerai à appeler le servage de gens corvéables et taillables à merci ».
· On trouvera de nombreux témoignages oraux sur ces contraintes dans Smith R.E. (2005). Sur la question
Ces contraintes s’inscrivaient dans un complexe où elles s’ajoutaient à une foule d’autres exigences du système colonial : corvées de portage pour les besoins de l’administration avant l’installation de pistes carrossables puis corvées pour l’aménagement et l’entretien de celles-ci, obligation de se soumettre à un contrôle médical souvent musclé (qui pouvait aller jusqu’à des ponctions de la moelle épinière), ce contrôle visant à éradiquer la maladie du sommeil avec très souvent ordre de déplacer le village pour l’éloigner des zones infestées par les glossines, regroupement forcé de villages au bord des nouvelles pistes (dans quelques cas, on brûla des villages récalcitrants), obligation de l’impôt, autrefois payé en boules de caoutchouc et qu’il fallait désormais acquitter avec de l’argent, et pour cela notamment récolter des fruits et les vendre aux usines (ce qui n’était pas, en fin de compte, très différent des livraisons forcées de caoutchouc d’antan), obligation de travaux agricoles pour les « hommes adultes valides » (les coupeurs de fruits en étaient dispensés s’ils apportaient une quantité suffisante de fruits). Tout cela s’était accumulé pendant les deux premières décennies du Congo belge, particulièrement après la première guerre mondiale. Ces contraintes se renforcèrent même quand la grande crise économique fit s’effondrer les prix d’achat des fruits et que les agents des sociétés huilières eurent pour instruction de maintenir, coûte que coûte, le volume de la production. Le directeur des H.C.B. à Léopoldville, dans un entretien privé avec P. Ryckmans, lui confia que de graves abus étaient commis par ses agents, en raison des exigences de la direction d’Europe (Vanderlinden, 2007, p. 21), propos assez inattendu de la part d’un des hauts responsables de la société.
Les réactions villageoises. La révolte des Pende
Les griefs envers les sociétés huilières s’ajoutèrent aux griefs de nature politique et furent relayés parfois par des mouvements de nature religieuse. Ils finirent par s’exprimer en mai-juin 1931 dans ce qui fut la révolte populaire la plus importante de l’histoire du Congo belge. Les causes de ce qu’on a appelé, à l’époque, « la révolte des Bapende » ou « la révolte du Kwango » sont complexes. Il serait réducteur d’y voir simplement la conséquence directe des agissements des sociétés huilières. La révolte a été d’abord et surtout un soulèvement contre le pouvoir colonial. Mais ce sont les agissements des sociétés et leur collusion avec celui-ci qui ont fourni l’élément déclencheur. Ce fut, à Kilamba, dans l’actuel territoire de Gungu, une accumulation locale d’abus auxquels participèrent tous les types d’acteur du système : un agent recruteur des H.C.B., plusieurs agents de la Compagnie du Kasai et un agent de l’autorité coloniale soutenant les précédents.
Le recruteur H.C.B., mécontent du trop petit nombre d’hommes qu’il avait pu obtenir, avait fait séquestrer, en somme comme otages, un certain nombre de femmes. Dans l’orgie qui fêta ce soir-là le retour en congé d’un fonctionnaire territorial, plusieurs de ces femmes furent violentées. Un mari vint réclamer une compensation auprès de l’agent de la Compagnie du Kasai qui était directement concerné. Des menaces furent échangées. L’agent de la société huilière ayant porté plainte auprès de l’administration du territoire, l’agent territorial Balot fut envoyé avec un policier pour enquêter sur place. Il rencontra une foule menaçante qui le tua, découpa son corps en morceaux et répartit ceux-ci entre les villages. L’insurrection se répandit dans la plus grande partie du territoire actuel de Gungu.
La répression fut sanglante et dura plus de trois mois. Les combats furent suivis de nombreuses séances de coups de « chicotte » (fouet utilisé pour les châtiments corporels) afin de faire dévoiler par les prisonniers,
les lieux où les restes de l’agent territorial (et tout particulièrement la tête) étaient cachés. Plusieurs en moururent. La difficulté qu’il y eut à récupérer la plus grande partie du corps explique la durée de la répression.
· Le sommaire et de larges extraits du rapport Jungers sont reproduits dans le mémoire de F.-L. Vande
· On trouver un compte rendu sommaire de cet épisode, y compris des débats parlementaires le concerna
Ces faits ont été dénoncés à la Chambre en 1932 par le député communiste Jacqmotte puis par Emile Vandervelde, dans une de ses plus grandes interventions de politique coloniale (interpellation citée plus haut). Tous deux ont stigmatisé le comportement des sociétés huilières et des agents de l’administration et ont réfuté la thèse d’une sédition principalement d’origine religieuse. Le ministre des Colonies avait convoqué d’ailleurs l’administrateur-délégué de la Compagnie du Kasai pour lui reprocher le comportement de ses agents qui avait été à l’origine directe de la révolte (Marchal, 2001, p. 274). Il avait aussi demandé un rapport d’enquête sur les événements à E. Jungers, président de la cour d’appel de Léopoldville. Ce rapport particulièrement sévère a été utilisé par Vandervelde. Celui-ci, dans son interpellation, exprime sa désillusion devant le comportement de la société de William Lever à laquelle il avait accordé sa confiance en 1911, se demandant même si les descriptions qui avaient été faites auparavant de ses réalisations ne concernaient en fait qu’un décor cachant des réalités peu brillantes.
· Grimper, en s’aidant d’une ceinture végétale, le long de troncs lisses hauts de plus d’une dizaine
Une attention plus grande portée au respect des règlements, un certain changement dans le comportement des agents des sociétés et surtout la reprise économique, après la grande crise, avec une augmentation des prix payés aux fournisseurs de fruits, ont amélioré peu à peu la situation. Les tensions se sont atténuées entre les parties en cause. Le système s’installe dans un régime de croisière qui ne connaîtra plus d’incidents majeurs jusqu’à la fin de la période coloniale. Mais il semble que subsistera le problème qui avait conduit les sociétés huilières à recourir à diverses formes de contrainte, c’est-à-dire la répugnance ou même le refus de nombreux jeunes villageois à cueillir les fruits. Le métier leur paraissait dangereux et peu rémunérateur (photos 6 et 7). Beaucoup préféraient partir travailler à la ville. Il y eut encore une nouvelle phase de pressions plus ou moins fortes pendant la deuxième guerre mondiale. Elles furent l’œuvre de l’autorité coloniale et non plus des sociétés huilières, dans le cadre de ce qui fut appelé « l’effort de guerre », pour fournir aux Alliés les matières premières dont ils étaient privés par la conquête japonaise du sud-est de l’Asie, donc plus particulièrement, pour le domaine qui nous intéresse, les produits oléagineux et le caoutchouc.
Dans les plantations, la montée au palmier est moins difficile. Les arbres sont moins hauts et le tronc moins lisse. Parfois on peut utiliser une échelle ou un instrument de coupe à distance comme le couteau malais.
Kasai oriental. Transport de bidons d’huile sur un pick-up de Gandajika vers Mbuji Mayi.
Vente d’huile au détail sur le marché de Basoko (Équateur). L’unité de volume est la bouteille de bière Primus
Les enfants dans le village
Les enfants dans le village
Les enfants, toujours nombreux dans le village, l’animent de leurs cris, de leurs danses et de leurs jeux. Ils accourent quand arrive l’étranger.
Les voici dansant et chantant, à Potomango, village
riverain du lac Mai Ndombe.
Ils se rassemblent en cercle pour s’écouter raconter des histoires (Kikongo Koy, T. de Kikwit).
Ils enfilent des colliers de perles dans la fraîcheur d’une fin de journée (Sundi Mawawa, T. de Luozi, Bas-Congo).
Dik dik
Les dik-diks sont des antilopes naines, qui mesurent à l'épaule de 30 à 43 cm . Le nom dik-dik vient du bruit qu'ils font lorsqu'ils sont en danger. Les dik-diks pèsent de 3 à 5 kg
Ils s’ébrouent dans des jeux d’eau. Ici dans la Lukula à Mokamo (T. de Masi Manimba).
Près de la source, dans le village de Kipata Bâmbi.
Petit pêcheur assis sur de vieilles touques d’essence ou d’huile de palme.
Mais les enfants prennent aussi leur part dans les tâches quotidiennes ou dans les événements de la vie villageoise
Mais les enfants prennent aussi leur part dans les tâches quotidiennes ou dans les événements de la vie villageoise.
On a vu plus haut une fillette tamisant la farine de manioc (photo 33). Ici des fillettes concassent des noix de palme pour en récolter l’amande. (Sundi Lutete, T. de Luozi, Bas-Congo).
Garçons rapportant l’eau puisée à la source (Kikongo
Koy, T. de Kikwit).
Ces garçons ont cueilli des chenilles entourées de leur cocon, dans une forêt claire (T. de Masi Manimba). Ils les transportent embrochées sur des bâtonnets. Dans le sud du Kwango, ils accompagnent également leurs parents et toute une partie du village quand, à la grande période des chenilles, on va s’installer dans des campements provisoires au cœur de la forêt claire.
Les enfants participent activement dans la chasse au petit gibier quand on brûle l’herbe des savanes à proximité du village. Ils sont là avec une machette ou un bâton pour abattre les animaux qui fuient le feu (Mokamo, T. de Masi Manimba).
Ils aident le forgeron en actionnant les soufflets de la forge. Dans le village suku de Kianga près de Pay Kongila (T.de Masi Manimba). Le forgeron prépare un fer de lance.
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